N'y
avait-il rien de plus urgent à s'occuper que de vouloir changer
l'évaluation des élèves ? Notre nouveau ministre, pourtant
attendu sur d'autres fronts, vient de lancer une « conférencenationale sur l'évaluation des élèves » qui est censée en
finir avec « l'arbitraire » de la note chiffrée. Il a
découvert brusquement la semaine dernière que « le système
d'évaluation des élèves, tel qu'il existe à l'heure actuelle,
contribue fortement à accroître les inégalités scolaires ».
Diable ! Si les inégalités scolaires augmentent, ce n'est pas
à cause des notes chiffrées mais du renoncement à des programmes
scolaires exigeants. La réduction des inégalités culturelles ne
peut se faire qu'avec plus de culture ! Les élèves seraient
traumatisés et découragés par les mauvaises notes ? J'en
connais beaucoup à qui elles font souvent rire, surtout lorsque les
résultats dans ma discipline n'interviendront pas dans leur
orientation. Une note, bonne ou mauvaise, n'est que l'appréciation
la plus concise possible d'une production, non d'une personne, et ce
n'est en aucun cas un « outil de relégation » comme
l'écrit le ministre. La mauvaise note ne fait que traduire un
travail insuffisant qui n'a pas répondu aux objectifs fixés. Loin
de traumatiser, elle n'est là que pour alerter celui qui la reçoit
de revoir sa copie, au sens propre , même si cette révision est
loin d'être faite par les élèves. Dans son avant propos, le
ministre trouve que les élèves « apprennent très jeunes,
trop jeunes, le sens des mots compétition, performance et trop
souvent échec ». Il y a bien longtemps que ces mots ont été
bannis du vocabulaire de l'école française alors qu'à l'inverse,
ils devenaient de plus en plus présents dans tout le reste de la
société et dans bon nombre de systèmes scolaires étrangers !
A ce propos, il est cocasse de constater que la direction du comité
d'organisation de cette conférence sur l'évaluation a été confiée
à trois personnalités issues des formations sélectives de l'école
française ou qui y enseignent !
Il n'est
pas besoin de lire entre les lignes pour deviner l'objectif de cette
réforme : une évaluation par compétence à toutes les sauces
qui nécessitera de la part des professeurs le remplissage fastidieux
et chronophage de grilles et de cases parfaitement incompréhensibles
des élèves et leurs familles. Cela n'ira sûrement pas dans le sens
que souhaite le ministre qui dénonce des évaluations actuelles
« subies par les élèves dont ils ne saisissent pas les codes
ni les attendus implicites, contrairement aux élèves les mieux
pourvus culturellement, qui acquièrent ceux-ci en dehors de
l'Ecole ». Si les notes chiffrées ont un mérite, c'est bien
celui d'être compréhensibles par tous.