samedi 11 juin 2016

Revalorisation de carrière par les vases communicants

Après le « dégel » (provisoire?) du point d'indice de la fonction publique décidé il y a quelques mois, on pensait que le gouvernement avait ouvert exceptionnellement sa hotte de père Noël à une année des élections générales. Voici qu'il la ré-ouvre une seconde fois pour dévoiler des nouvelles grilles de carrière avec augmentation des indices de chaque échelon. Légère hausse plus qu'augmentation car elle se résume à 9 points d'indice ce qui représente environ 500 euros bruts annuels. Pas de quoi effacer le gel du point entre 2010 et 2016 et l'augmentation de la retenue pour pension qui court encore jusqu'en 2020.
En regardant de plus près les mesures annoncées sur le site du ministère, on s'aperçoit que les généreux 9 points d'augmentation proviennent du transfert en deux temps de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE) vers le traitement brut ! Un pur jeu comptable donc, ou la version financière des vases communicants. Il fallait y penser. Les gestionnaires du ministère à l'origine de ce tour de passe passe méritent leur primes rondelettes... Cette mesure ne coûtera donc rien à l'Etat, alors que les média ont fait part bruyamment d'un coût de 1 milliard pour les finances publiques.
La modification de l'avancement de carrière ne devrait pas non plus coûter grand chose. S'il n'y a plus qu'un seul rythme d'avancement pour tous, il correspond au niveau médian de l'ancienne grille (le « choix »), auquel la majorité des professeurs avançaient dans la carrière (les premiers 5/7 du tableau d'avancement d'échelon) . Il fallait 26 ans et quelques pour parcourir les 11 échelons de la classe normale, il en faut toujours 26 pour parcourir la nouvelle grille. Elle permettra juste de ne pas léser les collègues trop peu souvent inspectés dont la note était insuffisante pour leur éviter un passage à l'ancienneté.
La hors classe devient en théorie accessible à tous dès le 9ème échelon (au lieu du 7ème auparavant, même si dans la pratique, un accès à ce niveau est assez rare) et il restera à vérifier qu'elle le sera bien. Une classe exceptionnelle vient coiffer la hors classe mais elle ne sera accessible qu'à ceux ayant exercé en éducation prioritaire ou assuré des missions particulières. Pour ces dernières, la promotion à cette surclasse est donc liée à des activités sans rapport direct avec l'enseignement dispensé devant élèves. Inutile de faire du zèle en classe pour y accéder ! Comme aujourd'hui, il y a peu de chance que cela soit récompensé. Ceux qui exercent des fonctions de conseiller pédagogique ou de formateur et bien vus de leur direction devraient sans difficulté accéder à ce nirvana de l'échelle de rémunération.
Dans le dossier de présentation de ces mesures sur le site du ministère, on lit que le gain de traitement d'un professeur certifié sur l'ensemble de sa carrière (classe normale puis hors classe) représentera 23 000 euros. Si l'on étale ce gain sur 30 ans (26 ans de classe normale et 4 ans de hors classe), cela ne représente que 766 euros de plus par an et moins bien sûr si l'on calcule sur 40 années, durée plus probable d'une carrière complète pour une retraite sans décote... Pas vraiment de quoi sauter au plafond et susciter des vocations ! A moins que les candidats à l'enseignement jettent un œil sur ce qui est promis aux professeurs agrégés. Le site du ministère fait miroiter l'échelle lettre B soit une rémunération brute comprise entre 54 600 et 60 000 euros par an ! Mais il faut lire plus haut que ces émoluments ne seront perçus que par les heureux élus à la classe exceptionnelle. Pour le commun des mortels, la carrière se terminera à la hors classe dont il faudra surveiller qu'elle devienne vraiment accessible à tous lors de la mise en œuvre de ces mesures. Encore une fois, attirer des candidats de valeur aurai dû passer par une revalorisation substantielle du début de carrière. Celle proposée est nettement insuffisante. Des étudiants brillants n'attendront pas 26 ans de carrière avant d'avoir une rémunération à la hauteur (ou presque) de celles du secteur privé, ou de la haute fonction publique d'Etat.
La conséquence du rythme unique d'avancement est la disparition des inspections telles que nous les connaissons. Pour ma part, je suis ravi de cette disparition tant ces inspections étaient devenues caricaturales ces dernières années. Les « conseils » pédagogiques données par les inspecteurs se résumaient à un discours formaté et lénifiant de promotion de pédagogie de projet et autres « compétences ». Le contenu du cours dispensé était à peine évoqué pendant l'entretien suivant l'inspection. Il se substitue à ce système quatre « rendez-vous de carrière » dont il n'est pas fait mention de la forme qu'ils prendront et par qui ils seront conduits. On a du mal à voir l'enjeu que représentent ces entretiens hormis la possibilité de deux « accélérations » de carrière réduisant de 26 à 24 ans le parcours dans l'échelle de rémunération. Quelle accélération en effet !
Ces mesures sont elles menacées par un changement de majorité l'an prochain ? On peut en douter, vu qu'elles ne représentent qu'un engagement financier assez modeste par le tour de passe-passe opéré. Le calendrier pourrait être éventuellement retardé par la majorité suivante qui, bien sûr, trouvera les finances publiques dans un état déplorable!
 


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