vendredi 21 novembre 2014

La bienveillance, nouveau mantra de l'Ecole

Voici une lecture distrayante en ces journées pluvieuses d'automne : le récent rapport du CNIRE, le conseil national de l'innovation pour la réussite éducative. Je me suis peu penché sur la partie « innovation » au début, où il n'est question que d'évidences déjà en oeuvre et, en la matière, l'innovation vient rarement « d'en haut » mais essentiellement des pratiques pédagogiques que les collègues mènent dans leurs classes.
C'est surtout le paragraphe III intitulé La fabrique de l'engagement : une école bienveillante qui retient l'attention. Les sous-parties nous annoncent successivement :
_ Installer la bienveillance dans le système éducatif. Malgré les apparences, elle ne doit pas l'être suffisamment car voici le diagnostic qui est présenté dans le rapport :
« De ce point de vue, l’idée de la bienveillance s’est imposée : la bienveillance est la condition nécessaire à l’engagement mais aussi à l’efficacité de l’école. La bienveillance commence avec la suppression de la tendance inscrite dans des fonctionnements et des attitudes qui consistent à sanctionner mais aussi à dévaloriser et à invalider. Au-delà de l’échec, il faut prendre au sérieux les témoignages récurrents des élèves sur le sentiment d’avoir été à telle ou telle occasion « humiliés par l’Ecole ou les enseignants ». » Ce constat semble singulièrement daté ! Je n'ai jamais connu de tels cas d' « humiliation » depuis le début de ma carrière dans toutes les instances des établissements où je suis passé et ils furent nombreux.
L'école bienveillante est pourtant une évidence depuis plus de 30 ans avec la massification de l'enseignement secondaire. Il a bien fallu se montrer bienveillant, voire laxiste, pour permettre à des élèves qui n'avaient pas le niveau requis de passer de classe en classe et de cycle en cycle dans l'enseignement général.
Les rapporteurs sont incapables de faire des propositions concrètes sur cette introduction de la bienveillance car ils suggèrent de la demander aux équipes pédagogiques pour la rendre « explicite » ! Commençons par mettre un calicot à l'entrée de nos établissements pour signaler « ici école bienveillante ». Ou porter un badge des bisounours. Soit dit en passant, il faudra expliquer aux parents en situation irrégulière en France et dont les enfants sont scolarisés sans conditions et sans papiers pourquoi le ministère de l'Intérieur n'est pas bienveillant avec eux comme celui de l'éducation nationale... Il faut exiger que les autres ministères se montrent bienveillants avec tous les usagers : Justice, police, impôts... Ces propos valent aussi pour les entreprises : Nos élèves ne comprendraient pas pourquoi le monde du travail se montre si peu accueillant et bienveillant avec eux !
On nous annonce plus loin que « les emplois du temps et les missions doivent comporter des temps spécifiques de concertation ». En plus des heures de cours ? Cela va sans dire, mais avec une rémunération supplémentaire ? Rien n'est moins sûr au vu de la redéfinition des services qui entrera en action à la rentrée 2015 dans laquelle il est prévu des tâches supplémentaires à celles d'enseignement.
Enfin, voici la porte ouverte à la fin du cadre national hebdomadaire du temps de service : « reconfigurant les métiers de l’éducation et du professorat par une réorganisation de la semaine type de travail, même de façon dérogatoire, afin de créer de la souplesse et de
favoriser le partage des rôles et des responsabilités au sein des équipes. »

_ Décliner la bienveillance dans les relations : dans quel sens faut-il entendre le verbe décliner ? S'il y a déclin c'est bien dans les relations de l'administration avec ses personnels.
_Organiser la bienveillance. Répartir autrement les pouvoirs. Le rapport parle de « déconcentration du pouvoir autrement dit une plus grande répartition des responsabilités ». On peut se demander en quoi consistent ces responsabilités et qui va voir les siennes augmenter ou diminuer. Pour ce dernier cas, il est à prévoir que la liberté pédagogique des professeurs se réduise avec le renforcement du rôle du conseil pédagogique souhaité par le rapport, même s'il est précisé « en tant qu'instance de concertation ».

_ Accompagner la mise en oeuvre de la bienveillance : Dans cette rubrique, il est question de « favoriser les espaces de travail collectif, de co-intervention et de mise en relation entre partenaires extérieurs et intérieurs ». L'école est déjà ouverte sur le monde, ce n'est pas une nouveauté. Des intervenants extérieurs y sont invités lorsque cela sert le parcours scolaire des élèves. Mais multiplier ces interventions et autres sorties scolaires suppose d'empiéter encore plus sur le temps scolaire bien occupé. Les établissements scolaires ne sont pas des forums permanents ou des agences de voyages !

Bonne lecture !

mercredi 12 novembre 2014

L'école, c'était mieux avant ?

Voici encore un article qui prétend convaincre le lecteur que l'école d'aujourd'hui est bien meilleure que celle d'hier. La démonstration n'est pas vraiment probante. La seule « preuve » avancée par la journaliste rédactrice de l'article consiste à rappeler cette expérience qualifiée par elle de « décoiffante » réalisée en 1986 lors de laquelle on a fait passer les épreuves du certificat d'études primaire à des élèves contemporains pour comparer leurs résultats à ceux d'élèves des années 1870 dont on avait retrouvé les copies. Il paraît que les élèves contemporains s'en seraient mieux sortis que ceux du passé. Pourtant, il a été montré plus récemment le contraire ! Sur l'orthographe par exemple. On se souvient qu'il y a seulement quelques années, des collègues de français ont fait écrire une dictée du brevet des collèges donnée 20 ans avant. Ce fût peu glorieux pour les « contemporains » comme on peut s'en douter ! Et comme on le constate aussi au jour le jour dans nos copies !
La suite de l'article aborde la mixité à l'école mais sans exposer d'arguments sur son apport positif à l'école. Il y a encore des écoles dans le monde, y compris en Europe, où il n'y a pas de mixité et cela ne semble pas poser de problème aux élèves et à leurs familles. Il m'est arrivé d'enseigner une fois dans deux classes de lycée technologique, l'une composée exclusivement de garçons et l'autre de filles et cela s'est très bien passé. La mixité n'est qu'une transposition scolaire de l'évolution de la société, elle ne constitue absolument pas un préalable indispensable à l'enseignement !
Enfin, sur la discipline, si on ne peut que se réjouir de la fin des traitements un peu brusques avec les élèves dans un passé maintenant bien lointain, les sanctions disciplinaires restent souvent sans effet devant certains. L'arme suprême de l'exclusion définitive de l'établissement n'apporte pas toujours la solution du problème mais ne fait que le déplacer.

Si vraiment c'est mieux aujourd'hui comme le prétend l'article, l'école française devrait faire des merveilles dans les classements internationaux, non ? 

dimanche 9 novembre 2014

Revalorisation en catégorie B, toujours rien en A...

J'ai lu cette semaine dans ce document du ministère de la fonction publique que la grille de rémunération des fonctionnaires de catégorie B était en cours de reconstruction et de revalorisation depuis 2012 et qu'elle devrait s'achever en 2015. On peut lire à la fin du document un tableau montrant les indices bruts de rémunération des 3 grades de la catégorie et l'augmentation de l'indice de départ du premier grade. On ne peut-être que ravi pour ces collègues de voir leur rémunération de départ revalorisée même dans des proportions fort modestes et on se demande pourquoi il n'en n'est pas de même en catégorie A au moins pour les professeurs néo-recrutés ! Le ministère de la fonction publique ne peut pas prétexter qu'il n'en a pas les moyens car la refonte de la grille de la catégorie B concerne 170 000 agents d'après le document ! Au moins autant que ceux de nos nouveaux collègues en bas d'échelle qu'il faudrait revaloriser. Il est vrai que parmi les agents de catégorie B revalorisés on compte 100 000 fonctionnaires de la police nationale et 70 000 sous officiers de gendarmerie. Vu les temps de contestation qui courent, mieux vaut en effet s'assurer de leur soutien indéfectible ! En attendant, nous perdrons tous 0,4% de pouvoir d'achat le premier janvier 2015 avec l'augmentation de la retenue pour pension civile qui passera de 9,14% à 9,54% et ainsi de suite jusqu'en 2020 où elle atteindra 11%. Nous n'oublions pas bien sûr le gel du point d'indice jusqu'en 2017 et très probablement au delà qui nous fait perdre tous les ans au moins le montant de l'inflation. Ce n'est sûrement pas avec ces arguments que l'Etat va attirer vers le professorat des candidats de valeur en dépit des intentions qu'il affiche !