vendredi 31 octobre 2014

L'école « bienveillante » menace les « petits profs » blogueur

Encore une manifestation de l'école « bienveillante » envers ses professeurs ! Cet article de Libération nous apprend qu'un professeur blogueur a été menacé d'un blâme par son rectorat pour avoir critiqué le n-ième plan numérique promu par le ministère de l'Education nationale. L'administration a évoqué un manquement à l'ambigu « devoir de réserve » pour faire taire ce collègue qui pourtant publie sous un pseudonyme. Remarquons au passage que ce ministère dispose apparemment de moyens importants pour surveiller et identifier les écrits des ses employés, à moins que ce collègue ai dévoilé son identité. Il rappelle à juste titre que d'autres professeurs se montrent plus incisifs et critiques que lui sur l'éducation nationale mais que leur notoriété médiatique les protège de toutes menaces. Nul doute que cette affaire va se calmer depuis que les ennuis de ce collègue ont fait le tour du net. Les censeurs à l'oeuvre au ministère n'aiment pas la publicité. Car on peut en effet parler de censure. Les professeurs ne sont pas des fonctionnaires comme les autres. Ce sont d'abord des intellectuels dont le travail ne se limite pas à la transmission brute de connaissances établies pour toujours. Il consiste aussi à l'examen critique de ces connaissances. Il n'y a pas de raison que notre société et son évolution soient exclues de cet examen, quelle que soit la discipline enseignée ! Dès lors, pourquoi ces critiques devraient-elles rester sous le manteau comme aux temps obscurantistes ? Pour le ministère, nous n'aurions le droit de donner notre avis que lors des « consultations nationales » dont nous savons que les conclusions sont connues d'avance. Eh bien non ! Chacun de nous a le droit (et même le devoir!) de le donner en tant que citoyen, au même titre que les autres, et sous la forme qui lui plaira, « devoir de réserve » ou pas...


PS : Pour éviter les remontrances de l'administration, il est toujours possible de préciser qu'un écrit est publié dans le cadre d'une activité syndicale, politique ou associative. 

lundi 27 octobre 2014

Questions orientées pour un socle commun

J'ai répondu récemment aux questions de la consultation nationale pour l'élaboration d'un nouveau socle commun disponible en ligne à cetteadresse. Il n'est pas besoin de lire entre les lignes pour deviner l'orientation que prendra le contenu final de ce fameux socle !
Le questionnaire comprend une partie importante sur l'évaluation. C'est très curieux car la définition d'un socle de connaissances (et de compétences!) peut se faire sans parler d'évaluation. Les concepteurs du questionnaire ont donc fait d'une pierre deux coups en glissant dans cette consultation la dernière marotte à la mode, à savoir la suppression des notes jugées « traumatisantes ». Voici deux questions qui vont dans ce sens :
« Je trouve que la note chiffrée ne donne pas assez d'indications sur ce qu'un élève sait et ne sait pas faire. »
« Les notes et les moyennes ne constituent pas une bonne base de dialogue avec les familles. »
Comme si l'évaluation d'une copie se limitait à la seule note figurant en en-tête. Une copie est toujours assortie de commentaires qui signalent à l'élève et sa famille les points à revoir.
« Je trouve que la note chiffrée est un moyen simple de situer un élève par rapport aux autres élèves de la classe. »
Cela fait belle lurette qu'il n'y a plus de classement entre élèves ! Les notes servent essentiellement à situer le travail de l'élève par rapport aux compétences et connaissances des programmes scolaires.
« L'évaluation doit permettre de trier les élèves afin de les orienter correctement. »
Le verbe « trier » est pour le moins tendancieux. C'est étonnant pour une consultation élaborée par un ministère qui promeut le « politiquement correct ». Les élèves ne sont pas de wagons dans une gare de triage et personnellement, je ne les ai jamais considérés comme tels. L'orientation est souvent décidée en dernier ressort par l'élève et sa famille après proposition des conseils de classe.
« L’évaluation doit susciter l’engagement et la confiance des élèves. »
Question étrange ! Nos élèves ne seraient pas « engagés » et « confiants » dans nos évaluations ? Ils ne les prennent peut être pas (ou plus) au sérieux... Les plus astucieux ou les plus paresseux ont compris que leur progression dans la scolarité jusqu'au bac est souvent indépendante de leurs résultats scolaires. On passe aisément en appel de la classe de troisième en seconde générale avec 8/20 de moyenne et de même de seconde en première. Et pour avoir cette moyenne, il n'est pas nécessaire de se fouler un neurone avec les très faibles exigences de programmes scolaires actuels, ou plutôt du « socle » actuel.
« L’évaluation doit reconnaître le droit à l’erreur, s’intéresser autant au processus d’apprentissage qu’à la performance. »
Le « droit à l'erreur » est déjà pris en compte par la multiplicité des évaluations qui permet le « rattrapage » d'une mauvaise note. En revanche, l'éducation nationale ne favorise pas vraiment le droit à l'erreur en matière d'orientation lorsqu'un élève souhaite quitter l'enseignement général pour l'enseignement professionnel. Le manque de places et la priorité accordée aux sortants de troisième ne favorise pas vraiment les réorientations. Le changement de voie est mal vu une fois entré dans une filière. On est prié de ne pas en sortir et d'aller jusqu'au bout ! Quant à la performance, l'école française est bien le dernier endroit au monde où il n'est plus question de performance ! Il est d'ailleurs très étonnant que l'école française participe encore aux évaluations internationales type PISA de l'OCDE ! Mais c'est bien connu, vu de France, c'est le monde entier qui est dans l'erreur.
« Il est possible d’évaluer la curiosité et les goûts d’un élève. »
Cela se fait très facilement ! Il suffit de regarder leur attitude pendant nos cours, pas besoin d'évaluation. Dès l'instant où l'on demande un peu d'investissement dans nos activités en classe, la motivation de beaucoup d'élèves font comme neige au Soleil...
Le plus révélateur du questionnaire se trouve dans la dernière question :
« L’évaluation doit reposer sur des échelles de niveaux de compétences comme celles qui existent par exemple dans le CECRL pour les langues vivantes (de A1 pour les utilisateurs élémentaires en niveau introductif jusqu’à C2 pour les utilisateurs expérimentés – maîtrise). »

Tout est dit ! Hormis l'acronyme abscons CERCL dont les collègues de langues étrangères doivent seuls connaître la signification, le but du questionnaire est donc bien de vanter les mérites de l'évaluation par compétences sous forme de grilles et de tableaux à remplir. Avec pour objectif de gonfler les notes, si toutefois le remplissage de ces usines à cases donnent lieu à l'attribution d'une note finale. Voilà qui nous promet un surcroît de travail pour faire figurer explicitement toutes les compétences évaluées dans nos devoirs sans que cela aide forcément les élèves à progresser dans leur travail, du moins ceux qui le souhaitent encore.

mercredi 15 octobre 2014

La mauvaise graisse

Les média sont maîtres dans l'art de faire passer pour des perdreaux de l'année des hommes politiques déjà présents dans l'arène depuis 40 ans, avec les mêmes idées. Prenons au hasard M. Alain Juppé dont on nous a vanté récemment les grands mérites pour prendre la tête de l'UMP et la candidature à la présidence de la République. On se rappellera qu'il y a 18 ans, M. Juppé, premier ministre, avait déclaré à l'Assemblé nationale qu'il préférait « une fonction publique plus efficace et moins nombreuse à une fonction publique qui fait de la mauvaise graisse » (cette belle envolée est disponible en vidéo sur ce lien). Sur ce point, on ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir changé d'avis puisqu'il a repris les propositions récentes de Nicolas Sarkozy de réduire le nombre de professeurs de 30% mais d'augmenter d'autant leur temps de travail. Si ces hauts personnages étaient bien informés, ils devraient savoir qu'une bonne partie d'entre nous, surtout en début de carrière, effectue déjà des heures supplémentaires pour mettre du beurre dans les épinards d'une rémunération la plus modeste en comparaison à celle de nos collègues des pays de l'Union européenne avant élargissement à l'Est. Ils n'en sont pas à une ignorance près et la méconnaissance se double d'amateurisme lorsqu'on fait les comptes comme J.P. Brighelli dans cet article. L'augmentation de 30% du temps de travail, déjà presque réalisée avec les heures supplémentaires ne permettront pas d'assurer les heures de cours à effectuer en baissant les effectifs enseignants de 30%. Il faudra obligatoirement réduire d'autant les heures de classe ainsi que les programmes scolaires. Et pourquoi pas augmenter le nombre d'élèves par classe tant que nous y sommes ? Ou les deux ! On entendra les mêmes se plaindre ensuite de « l'inefficacité du système scolaire » et du nombre de jeunes qui le quitte sans qualification. Le cercle vicieux n'est pas prêt de se briser... 



samedi 11 octobre 2014

Elections en série

Voici revenue la saison des élections, un bon mois après la rentrée scolaire. Les murs de nos établissements se couvrent de papiers et affiches pour appeler les électeurs à désigner des représentants à une kyrielle d'instances locales et nationales, conseil de vie lycéenne, conseil d'administration, foyer socio-éducatif et autres assemblées aux acronymes obscurs. Je passe sur l'élection des délégués de classes organisés par les professeurs principaux dont j'ai la chance de ne pas faire partie... il y a cependant une élection supplémentaire cet automne, celle des représentants des personnels de l'éducation nationale dans les instances académiques et nationales. Ce scrutin, qui a lieu tous les 4 ans, se fait exclusivement par voie électronique, contrairement à ceux des autres ministères. Lors de la précédente élection, un identifiant et un mot de passe suffisait pour se connecter à un site pour exprimer son vote. Cette procédure assez simple a cependant empêché de nombreux collègues de ne pas pouvoir voter en raison d'incompatibilité matérielle ou logicielle. Pour cette élection, nous avons affaire à une véritable usine à gaz informatique. Qu'on en juge sur ce document du ministère ! Quels sont les collègues suffisamment patients et motivés qui iront au bout de cette procédure fastidieuse ? Le vote lui même a lieu du 27 novembre au 4 décembre, période où, comme par hasard, débuteront les premiers conseils de classes avec leur lot d'appréciations à saisir. Certes, il est possible de voter depuis chez soi, en soirée ou en fin de semaine les samedi 29 et dimanche 30 novembre. Mais c'était pourtant si facile et rapide de n'avoir qu'à glisser un bulletin dans une urne depuis son établissement... Et de pouvoir participer au dépouillement. Avec l'outil informatique, on n'a aucune garantie de la fiabilité des résultats.
Verra-t-on au moins quelques affiches électorales pour avertir les personnels de ce scrutin ? A élection électronique, campagne électronique et la communication des fédérations syndicales passent par nos boîtes courriel académiques alimentées fréquemment de missives publicitaires. C'est toujours autant de papier économisé, surtout s'il s'agit d'y promouvoir une école « bienveillante » suivant le mot d'ordre mis à la mode par l'éphémère ministre B. Hamon. Bienveillante avec tout le monde, sauf avec les professeurs évidemment... C'est le cas pour ce syndicat qui propose une vidéo dans ce sens où l'on voit une jeune élève dont le dessin naïf est critiqué durement par un « jury » d'adultes particulièrement remontés sensés représenter des professeurs. Totalement caricatural pour l'Ecole et pour nous ! Cette parodie montre une école qui n'a jamais existé. Elle fonctionne plutôt à l'envers de ce qui est montré, les élèves en remontrent aux professeurs et lorsque quelque chose ne leur plaît pas, ils sont prompts à le faire savoir. Un vision de l'éducation que je ne souhaite pas voir se développer plus loin...