Après
le « dégel » (provisoire?) du point d'indice de la
fonction publique décidé il y a quelques mois, on pensait que le
gouvernement avait ouvert exceptionnellement sa hotte de père Noël
à une année des élections générales. Voici qu'il la ré-ouvre
une seconde fois pour dévoiler des nouvelles grilles de carrière
avec augmentation des indices de chaque échelon. Légère hausse
plus qu'augmentation car elle se résume à 9 points d'indice ce qui
représente environ 500 euros bruts annuels. Pas de quoi effacer le
gel du point entre 2010 et 2016 et l'augmentation de la retenue pour
pension qui court encore jusqu'en 2020.
En
regardant de plus près les mesures annoncées sur le site du
ministère, on s'aperçoit que les généreux 9 points d'augmentation
proviennent du transfert en deux temps de l'indemnité de suivi et
d'orientation des élèves (ISOE) vers le traitement brut ! Un
pur jeu comptable donc, ou la version financière des vases
communicants. Il fallait y penser. Les gestionnaires du ministère à
l'origine de ce tour de passe passe méritent leur primes
rondelettes... Cette mesure ne coûtera donc rien à l'Etat, alors
que les média ont fait part bruyamment d'un coût de 1 milliard pour
les finances publiques.
La
modification de l'avancement de carrière ne devrait pas non plus
coûter grand chose. S'il n'y a plus qu'un seul rythme d'avancement
pour tous, il correspond au niveau médian de l'ancienne grille (le
« choix »), auquel la majorité des professeurs
avançaient dans la carrière (les premiers 5/7 du tableau
d'avancement d'échelon) . Il fallait 26 ans et quelques pour
parcourir les 11 échelons de la classe normale, il en faut toujours
26 pour parcourir la nouvelle grille. Elle permettra juste de ne pas
léser les collègues trop peu souvent inspectés dont la note était
insuffisante pour leur éviter un passage à l'ancienneté.
La hors
classe devient en théorie accessible à tous dès le 9ème échelon
(au lieu du 7ème auparavant, même si dans la pratique, un accès à
ce niveau est assez rare) et il restera à vérifier qu'elle le sera
bien. Une classe exceptionnelle vient coiffer la hors classe mais
elle ne sera accessible qu'à ceux ayant exercé en éducation
prioritaire ou assuré des missions particulières. Pour ces
dernières, la promotion à cette surclasse est donc liée à des
activités sans rapport direct avec l'enseignement dispensé devant
élèves. Inutile de faire du zèle en classe pour y accéder !
Comme aujourd'hui, il y a peu de chance que cela soit récompensé.
Ceux qui exercent des fonctions de conseiller pédagogique ou de
formateur et bien vus de leur direction devraient sans difficulté
accéder à ce nirvana de l'échelle de rémunération.
Dans le
dossier de présentation de ces mesures sur le site du ministère, on
lit que le gain de traitement d'un professeur certifié sur
l'ensemble de sa carrière (classe normale puis hors classe)
représentera 23 000 euros. Si l'on étale ce gain sur 30 ans (26 ans
de classe normale et 4 ans de hors classe), cela ne représente que
766 euros de plus par an et moins bien sûr si l'on calcule sur 40
années, durée plus probable d'une carrière complète pour une
retraite sans décote... Pas vraiment de quoi sauter au plafond et
susciter des vocations ! A moins que les candidats à
l'enseignement jettent un œil sur ce qui est promis aux professeurs
agrégés. Le site du ministère fait miroiter l'échelle lettre B
soit une rémunération brute comprise entre 54 600 et 60 000 euros
par an ! Mais il faut lire plus haut que ces émoluments ne
seront perçus que par les heureux élus à la classe exceptionnelle.
Pour le commun des mortels, la carrière se terminera à la hors
classe dont il faudra surveiller qu'elle devienne vraiment accessible
à tous lors de la mise en œuvre de ces mesures. Encore une fois,
attirer des candidats de valeur aurai dû passer par une
revalorisation substantielle du début de carrière. Celle proposée
est nettement insuffisante. Des étudiants brillants n'attendront pas
26 ans de carrière avant d'avoir une rémunération à la hauteur
(ou presque) de celles du secteur privé, ou de la haute fonction
publique d'Etat.
La
conséquence du rythme unique d'avancement est la disparition des
inspections telles que nous les connaissons. Pour ma part, je suis
ravi de cette disparition tant ces inspections étaient devenues
caricaturales ces dernières années. Les « conseils »
pédagogiques données par les inspecteurs se résumaient à un
discours formaté et lénifiant de promotion de pédagogie de projet
et autres « compétences ». Le contenu du cours dispensé
était à peine évoqué pendant l'entretien suivant l'inspection. Il
se substitue à ce système quatre « rendez-vous de carrière »
dont il n'est pas fait mention de la forme qu'ils prendront et par
qui ils seront conduits. On a du mal à voir l'enjeu que représentent
ces entretiens hormis la possibilité de deux « accélérations »
de carrière réduisant de 26 à 24 ans le parcours dans l'échelle
de rémunération. Quelle accélération en effet !
Ces
mesures sont elles menacées par un changement de majorité l'an
prochain ? On peut en douter, vu qu'elles ne représentent qu'un
engagement financier assez modeste par le tour de passe-passe opéré.
Le calendrier pourrait être éventuellement retardé par la majorité
suivante qui, bien sûr, trouvera les finances publiques dans un état
déplorable!