mardi 31 mai 2016

Agrégation pour tous ?

Vouloir discrètement réduire les crédits de la recherche et proclamer la priorité de l'emploi, ici celle de jeunes chercheurs, relève d'un étonnant paradoxe. Les 150 millions d'euros que le gouvernement s'apprêtait à retirer en catimini aux laboratoires en suscitant à juste titre la colère des chercheurs n'étaient sûrement pas superflus dans leurs activités. Une bonne partie de cette somme sert bien souvent à rémunérer des doctorants ou post-doctorants qui constituent la cheville ouvrière des laboratoires. Supprimer ces crédits c'était réduire fortement leur activité. Suite à la protestation de quelques personnalités, le massage a fini par être compris au plus haut sommet de l'état et les crédits réattribués derechef.
Comme pour se faire pardonner de sa bévue, le gouvernement a décrété récemment l'ouverture d'un concours spécifique d'agrégation pour les titulaires d'un doctorat. On peut déjà douter que les épreuves (ou la seule épreuve!) de ce concours réservé ne seront pas de même nature et surtout du même niveau que celles (nombreuses!) l'agrégation externe. La spécialisation extrême d'un doctorat s'oppose à la nature généraliste de l'agrégation qui couvre la totalité d'un champ disciplinaire. Préparer l'agrégation externe nécessite au minimum une année de préparation intensive aux épreuves écrites et orales. On imagine mal un néo-docteur sortant de 3 ou 4 années d'un travail très spécialisé s'investir une année complète et de surcroît sans financement dans ce travail de préparation. Il y a donc de fortes chances que ce « concours » se limitera à une seule épreuve dont la préparation exigera un travail plus limité que le concours externe.
C'est donc tout ce que le gouvernement a imaginé pour favoriser l'emploi des docteurs en France ? N'était-ce pas plus simple que d'augmenter le nombre de postes aux concours de maître de conférence ? D'autant que le nombre d'étudiants dans les universités est en augmentation. Le gouvernement a une idée économique derrière la tête : que les docteurs agrégés par ce concours se présentent à des postes « Prag » devant la pénurie de postes de statut universitaire. Les « Prag » doivent un service d'enseignement double par rapport aux maîtres de conférence. Ce serait gagner un poste sur deux ! Reste posée la question de la reconnaissance des agrégés déjà docteurs lesquels ne bénéficient d'aucun avantage de carrière pour la possession d'un doctorat...

dimanche 29 mai 2016

Se faire entendre

Qui aurait pu croire il y a quelques semaines encore que des grévistes soient en passe d'obtenir la satisfaction de leur revendication et de faire vaciller sur ses bases le gouvernement déjà fragilisé. Avec seulement quelques milliers de grévistes déterminés, un seul syndicat arrive à perturber la vie quotidienne de tout un chacun en bloquant la distribution de carburant. Il s'en faut de peu que la perturbation n'affecte la distribution d'électricité suite au blocage de quelques centrales nucléaires. La branche transport du même syndicat menace elle aussi d'entrer en jeu à la veille d'un grand raout sportif international ce qui affaiblirai encore plus la position du gouvernement ici et à l'étranger. Ce n'est certainement pas dans notre profession qu'on verrait un pouvoir de nuisance pareil ! Une grève de dix mille professeurs ne ferait même pas quelques lignes dans un journal. Le seul moyen de se faire entendre aujourd'hui consiste à mener des actions d'éclats susceptibles d'attirer l'attention des média. Ce fait est parfaitement intégré par certains salariés à l'appui de leurs revendications. Les média, surtout la télévision, se font d'ailleurs presque complices des salariés grévistes en diffusant des images de pénurie lorsqu'il y a blocage comme dans le cas des carburants. La stratégie se révèle finalement peu impopulaire. Les témoignages vraiment hostiles aux mouvements de grèves avec blocage sont assez peu diffusés. La plupart des personnes impactées par ces mouvements font part de résignation plus que de révolte. Pour les actions en cours, le but est déjà atteint. Le gouvernement semble hésitant sur un projet de loi qu'il a déjà dû édulcorer par rapport à sa première version. Les actions musclées semblent donc payantes en fin de compte. A méditer pour ceux qui rechignent à faire pression sur les examens de fin d'année...

dimanche 22 mai 2016

C'est râpé pour Verdun

Enfin une tentative de décervelage des esprits déjouée ! Quelle idée saugrenue de la part des organisateurs de la commémoration de la bataille de Verdun de donner un concert festif à l'issue des cérémonies officielles ! Pourquoi pas une course en sac tant que nous y sommes ? Vouloir achever cette journée sur une note musicale est en soit une bonne idée mais le choix « artistique » est des plus douteux ! Là où un orchestre symphonique était approprié pour jouer une œuvre du répertoire classique, les organisateurs n'ont rien trouvé de mieux que de payer, grassement en plus, un « rapeur » connu (pas de moi en tout cas jusqu'à la semaine dernière!) pour les « paroles » sexistes, homophobes et j'en passe de ses ritournelles. Tout cela paraît-il au motif que l' « artiste » est apprécié des « jeunes ». Ils méritaient vraiment mieux que cela, les pauvres !

samedi 21 mai 2016

Frustrés, gavés et casseurs

Il y a quelques années, devant le renoncement progressif de l'école à toute exigence et sa transformation inéluctable en garderie auquel s'ajoute la démission de certains parents, j'avais prédit à des collègues qu'une bonne partie de nos élèves se transformeraient en « frustrés gavés ». Gavés parce que quel que soit leur milieu social, presque tous les biens matériels leur auront été donnés ainsi que les diplômes bac compris (bientôt la licence!). Frustrés parce qu'une fois dans la « vraie vie », ils ne comprennent pas pourquoi personne ne les attend à bras ouverts et qu'on leur demande de faire la preuve de leurs capacités. Les « casseurs » dont on voit les méfaits dans les récentes manifestations relèvent assurément de cette catégorie. Issus de tous les milieux sociaux, certains ayant faits des études supérieures, leur nihilisme violent n'est que la traduction de cette frustration envers la société qui tarde de plus en plus à leur faire comprendre qu'elle ne peut pas se plier éternellement à leurs caprices d'enfants gâtés. Aucune frustration sociale ne saurait excuser l'agression de ces policiers dans leur voiture vue cette semaine à Paris ainsi que les jets de projectiles contre les CRS dont le rôle est de maintenir les débordements d'excités en tout genre. Quel contraste avec l'an dernier après l'attentat contre Charlie Hebdo où l'on a vu des policiers applaudis voir embrassés par des gens dans la rue ! Peut-on espérer au passage que la justice condamne ces délinquants à réparer par un travail (mais que savent-ils de ce mot?) les dégâts qu'ils ont causés plutôt que de les envoyer en cellule où ils ne feront que ruminer encore plus leur haine de la société ? Fort heureusement, le gouvernement s'est montré à la hauteur des circonstances en décorant les policiers pris à parti ces dernières semaines. Il ferait encore mieux en décernant une médaille d'indignité nationale aux auteurs de ces violences inexcusables.