vendredi 31 janvier 2014

Du genre à l'école

S'il n'y a pas de « théorie du genre », il existe en revanche des études sur les genres dans le monde universitaire pour analyser l'inégalité des sexes dans nos sociétés. Leur but n'est donc pas de faire l'apologie d'une indifférenciation des sexes, comme certains malveillants veulent le faire croire à des familles crédules ! L'école française républicaine se doit évidemment de promouvoir l'égalité des sexes devant les élèves pour montrer que toutes les études et professions sont accessibles aux filles comme aux garçons. La célèbre phrase de Simone de Beauvoir, on ne naît pas femme, on le devient, est toujours d'actualité après les mouvements d'émancipation des femmes au siècle dernier, les stéréotypes ont plus que jamais la vie dure chez certains adultes et aussi, hélas, parmi les jeunes. Il n'est donc pas « dévirilisant » pour un garçon d'envisager une carrière de sage-femme, ou plutôt de maïeuticien et encore moins incongru pour une fille de devenir chef de chantier de BTP. Mais s'il y autant de filles que de garçons dans les filières scientifiques au lycée, elles ne sont plus que 20% dans les études supérieures scientifiques. Un vrai gâchis lorsqu'on remarque qu'elles ont souvent de meilleurs résultats scolaires que les garçons dans l'enseignement secondaire. Le ministre a eu raison de faire une mise au point sur la nature des actions pour l'égalité et de demander aux directeurs de convoquer les parents qui ont boycotté l'école. Ces derniers seraient bien inspirés de se mobiliser contre la baisse des heures d'enseignement plutôt que sur des rumeurs infondées !

Amantine Aurore Dupin, alias George Sand, une femme qui joua avec les genres pour la libération de femmes.

mercredi 29 janvier 2014

A longueur d'année (scolaire)

S'il fallait encore donner une preuve de la transformation de nos établissements scolaires en garderie, il suffit de regarder l'évolution du calendrier des vacances scolaires ces 20 dernières années et de le mettre en rapport avec le contenu de plus en plus pauvre des programmes. En 1991, la rentrée des classes a eu lieu le 10 septembre. Elle fut avancée un 3 septembre en 1998 pour remonter le 6 septembre en 1999 et se stabiliser le 2 septembre depuis 2003, à quelques exceptions près. La fin de l'année scolaire a elle aussi « glissé » de la fin juin jusqu'aux premiers jours de juillet. Surprise pour la rentrée 2015, les élèves reprendront le chemin des classes le 31 août ! L'année scolaire s'allonge donc progressivement (*). Pour quel motif au juste ? On a du mal à en trouver un car dans le même temps, les réformes successives des programmes n'ont eu de cesse de réduire les heures de cours dans presque toutes les disciplines avec des programmes de moins en moins exigeants. Cette réduction aurait du conduire au contraire à une diminution du temps scolaire, sinon à son maintien. C'est exactement le contraire qui s'est produit ! C'est qu'il a bien fallu faire entrer dans les emplois du temps la kyrielle d'options introduites dans les réformes successives, notamment au lycée, qui atomisent les emplois du temps et les classes. Et il faudrait encore allonger la durée de l'année scolaire ! Vu le peu de résultat sur les performances scolaires ces derniers temps, ce n'est vraiment pas justifié, à moins de vouloir transformer les établissements scolaires en centres aérés.


(*) L'allongement des congés de Toussaint à 2 semaines complètes depuis 2 ans n'a pas modifié la donne car les jours octroyés doivent être « récupérés » en cours d'année scolaire.     

dimanche 19 janvier 2014

Education prioritaire (suite et pas fin, hélas!)

Finalement, la réforme des zones d'éducation prioritaire (ZEP), devenues à l'occasion réseaux d'éducation prioritaire (REP), se fera sans réduction du budget des classes préparatoires. On ne peut que s'en réjouir et remarquer au passage que la tentative de hold-up sur le fleuron de l'enseignement supérieur français n'était pas motivée par une bonne action de justice sociale en prenant aux « riches » (ou stigmatisés comme tels!) afin de redistribuer aux pauvres. Le document résumant la réforme disponible sur le site du ministère de l'éducation nationale reconnaît l'échec des politiques menées ces dernières années, comme en témoigne l'augmentation des inégalités de réussite scolaire entre les élèves des établissements d'éducation prioritaire et les autres.
Les nouvelles mesures annoncées vont-elles parvenir à corriger ces inégalités ? On peut en douter car elles reprennent exactement des dispositifs déjà bien connus : meilleure formation initiale et continue des professeurs, stabilisation des équipes, travail en équipe, pédagogie par projet. Les seules nouveautés consistent en une réduction du service en classe pour favoriser le travail en équipe et une revalorisation de 50% de l'indemnité annuelle versée à tous les professeurs de REP (actuellement 1156 euros par an) . Cela ne représente qu'un peu plus de 500 euros sur une année scolaire. Un peu maigre pour susciter des vocations ou encourager à rester dans ces établissements ! Quant à la formation continue, trois jours de formation sont garantis pour les professeurs des réseaux les plus difficiles. On a du mal à voir où se situe l'effort de l'Etat sachant que tout professeur, quel que soit son établissement d'exercice, peut sans difficulté bénéficier d'au moins 2 journées de formation chaque année scolaire via les plans académiques de formation. Il faudra au moins cela pour apprendre en quoi consiste la « pédagogie bienveillante et exigeante » vantée en caractère gras dans le document du ministère ! S'il y avait des réussites partageables, comme le prétend le document, cela ce saurait et il n'y aurait qu'à appliquer ces recettes miracles pour en finir avec l'échec scolaire. Souhaitons bon courage aux collègues qui devront assister aux multiples réunions de « pilotage de projet », « d'animations de réseaux » et autres « partenariats » !

Leur restera-t-il du temps pour véritablement enseigner à leurs élèves comme dans tout établissement scolaire « normal » ? Car cette différentiation dans la nature des enseignements va encore éloigner les élèves de l'éducation prioritaire des standards en place ailleurs. Ne vaudrait-il mieux pas en finir avec ces ghettos scolaires en les fermant ? Une distribution de leurs élèves dans des collèges et lycées « normaux » de centre ville ou de banlieue sans problème permettrait assurément une meilleure mixité sociale. Il est certain que les frais de transport de ces élèves coûterait moins cher que les moyens actuellement déployés. Affaire à suivre.

samedi 11 janvier 2014

Un métier, plusieurs statuts

Le projet du « corps unique » pour les professeurs de la maternelle à l'Université revient périodiquement dans la bouche et sous la plume des « réformateurs » de tous bords, y compris dans les rangs de certains syndicats. Le grand public peut chercher à comprendre pourquoi il y a tant de « corps » de professeurs dans notre pays. Il peut aussi s'interroger sur le fait que c'est toujours la suppression de l'agrégation et la disparition des agrégés qui apparaît au premier rang dans ce projet ! Pourtant, à l'origine, il n'y avait qu'un seul corps de professeurs en France, celui des agrégés précisément !
En 1763, les jésuites sont chassés de France par Louis XV. Or ils assuraient l'essentiel de l'enseignement secondaire en France. Il existait déjà depuis 1679 un concours d'agrégation national de l'Université pour la faculté de droit. Un concours d'agrégation de la faculté des arts est crée en 1766 pour faire face à l'exil des jésuites. Cela donnera tellement satisfaction que les agrégés resteront le corps unique de professeurs du second degré et des classes préparatoires jusque dans les années 1950 ! La revendication du corps unique n'est donc pas une avancée souhaitée par ses promoteurs mais une réalité... du passé ! A cette époque, l'explosion des effectifs dans les collèges et lycées impose la création du CAPES : certificat d'aptitude à l'enseignement secondaire, concours dont les lauréats forment le corps des certifiés. Ces professeurs sont devenus largement majoritaires dans l'enseignement secondaire depuis puisqu'ils représentent 74% du personnel enseignant en lycées. Les agrégés exerçant essentiellement dans les classes à examen des lycées, leur service a été fixé à 15h de cours hebdomadaire par les fameux décrets de 1950, alors que les autres professeurs devaient 18h de service. Quelle est la raison de cet écart de service, « dénoncé » plus ou moins ouvertement et périodiquement ces dernières années par les partisans du corps unique ? Le fait, déjà signalé, que les agrégés ont vocation à enseigner dans les classes d'examen et que le travail dans ces classes exige du travail personnel supplémentaire. Cette exigence se traduisant par une durée moindre de service. Il ne s'agit donc pas d'un avantage indu et exorbitant ! Or avec le temps, les certifiés se sont vus confier tous les niveaux d'enseignement, y compris depuis quelques années les classes préparatoires, confiées auparavant aux seuls agrégés. Cette indifférenciation des tâches a été prise comme prétexte par certains pour justifier un alignement du service des agrégés sur celui des certifiés. A travail égal, horaire égal pourrait-on logiquement conclure ! L'étape suivante étant le salaire égal dans l'esprit ce ces « réformateurs »... Mais c'est bien l'état qui a organisé lui-même cette indifférenciation des tâches confiées aux professeurs alors qu'il devrait employer au plus haut niveau possible les compétences des agents qu'il a recruté ! C'est exactement l'inverse qui s'est produit. Le niveau de l'enseignement secondaire actuel est bien en deçà de ce que peuvent enseigner les professeurs les plus qualifiés dans leur discipline. On appréciera cette gabegie de moyens à sa juste valeur en ces temps de crise !
Restaurer un enseignement de qualité dans le second degré représenterait un meilleur investissement pour l'avenir que de vouloir se débarrasser des agrégés et de l'agrégation. Mais voilà, il faudrait rompre avec plus de trente années de mauvaises habitudes, notamment celle de brader le baccalauréat dont la possession, quasi automatique pour tout lycéen entrant en seconde aujourd'hui, n'assure en aucun cas le succès dans l'enseignement supérieur.

Loin de défendre des « privilèges » ou de cultiver un esprit corporatiste, la plupart des agrégés souhaitent défendre et promouvoir un enseignement de qualité à l'heure où la mondialisation met en concurrence les systèmes éducatifs pour attirer les meilleurs étudiants. Amoindrir encore notre situation serait envoyer un très mauvais signal à des jeunes brillants qui souhaitent rejoindre la profession !  

dimanche 5 janvier 2014

Salaire des profs OCDE versus classement PISA

Parlons argent pour commencer puisque c'est à cet aune que beaucoup mesurent (trop) souvent ces temps-ci le prestige d'une profession. Les valeurs suivantes sont extraites d'une étude de l'OCDE. Dans le tableau original, les valeurs sont indiquées en dollars US. J'ai effectué la conversion en euros à la date de l'étude (25 juin 2013), soit 0,77 euros pour 1 dollar US. Ces salaires sont ceux du deuxième cycle de l'enseignement secondaire, c'est à dire les lycées pour la France. J'ai choisi de classer les pays par le salaire d'entrée dans la profession. C'est lui qui conditionne en partie l'attractivité du métier auprès des étudiants. Il peut donc y avoir des inversions dans le classement avec le salaire en milieu ou fin de carrière.

Pays Années vers le salaire maximal
Initial
15 ans
Maximal
Classement Pisa 2012
compréhension de l'écrit
Luxembourg
30
55824
77010
96990
30
Suisse
27
47306
...
72409
17
Allemagne
28
44164
53680
60897
19
Espagne
38
31037
35788
43532
32
Pays-Bas
15
29984
49045
50910
15
Belgique (Fr)
27
30207
43944
52978
18
Etats-Unis
...
29269
38048
43353
24
Canada
11
27361
43558
43558
8
Australie
9
26754
37840
37840
13
Irlande
22
26645
42314
47867
9
Finlande
20
26186
25673
35343
6
Autriche
34
25716
35664
51931
27
Moyenne OCDE
24
24137
32082
38591

Angleterre
12
23322
34087
34087
23
Portugal
34
23828
30356
40384
31
Italie
35
22651
28434
35466
28
Ecosse
6
23160
36947
36947
-
France
34
22246
28026
40311
21
Corée
37
21156
37072
58845
5
Japon
34
20043
35220
45581
4
Grèce
33
17558
21701
26208
40

Je n'ai pas retenu tous les états du classement de l'OCDE. Ma sélection ne comporte que des pays membres de l'Union européenne avant 1989 et quelques pays développés voisins ou plus lointains de niveau économique comparables. Ne figurent pas les pays entrés dans l'UE après 1989 qui se trouveraient dans le bas du tableau. L'absence de ces pays ne changerait donc pas la place fort modeste de la France, bien en-dessous de la moyenne de l'OCDE ! La rémunération des professeurs français n'a donc rien de scandaleusement élevée, surtout lorsqu'on la compare à celle des nos voisins allemands ou luxembourgeois ! Il était intéressant de rapprocher ce classement des dernières évaluations PISA pour voir s'il existe une corrélation entre rémunération des professeurs et « performance » des élèves. 
Dans le classement PISA de 2012, dernier en date, j'ai choisi les résultats dans la compréhension de l'écrit, là où la France est la mieux classée (21 ème) des 3 évaluations. Les deux autres classements concernent les mathématiques (France : 25 ème) et Sciences (France : 26 ème). On note la très bonne performance de nos collègues japonais et coréens qui, moins bien rémunérés que nous, conduisent leurs élèves dans le haut du classement. En revanche, nos (riches) collègues luxembourgeois sont à la peine avec leurs potaches ! Il y a quand même 8 pays mieux classés que la France à cette évaluation PISA de l'écrit chez lesquels les professeurs sont mieux rémunérés qu'en France. J'ai vérifié que les pays qui seraient en bas de mon tableau (essentiellement les derniers entrés dans l'UE) sont moins bien classés que la France à cette évaluation (à l'exception de la Pologne et de l'Estonie, respectivement 10 ème et 12 ème). Il semble que la corrélation entre rémunération des professeurs et « performance » des élèves soit bien réelle. Finalement, les professeurs français offrent des prestations fort honorables en regard de leur salaire !
 

Présentation

L'école a t-elle encore un avenir ? On peut se poser la question en regardant son évolution ces trente dernières années tant ses missions fondamentales ont lentement glissé vers ce qu'ont peut qualifier au mieux d'une garderie à vocation éducative et s'est vue sommée d'en assurer d'autres sous la pression du personnel politique influencé par des « penseurs » défendant des théories discutables. Certes, l'école doit « s'adapter » aux évolutions de plus en plus rapides de la société mais dans le sens de donner aux élèves les outils intellectuels et les connaissances qui leur permettront de s'y insérer au mieux. Or c'est le contraire auquel on assiste ces trois dernières décennies. Les réformes successives n'ont eu de cesse de vider les programmes scolaires de tout contenu vraiment formateur au profit d'activités floues à l'intérêt discutable. Toutes ces « innovations » n'ont pas eu l'effet escompté. Les classements internationaux, même en les prenant avec des pincettes, montrent un décrochage de la France depuis plusieurs années, surtout pour les élèves issus des familles modestes.
Coincés entre les injonctions de la hiérarchie saisie de fièvre réformatrice, des élèves de moins en moins enclins à la simple discipline qu'exige le travail en classe et de leurs parents de plus en plus interventionnistes dans les pratiques pédagogiques, les professeurs se sont vus accusés de tous les maux dont souffre l'école ces dernières années. Les « hussards noirs de la République » admirés par Péguy sont devenus aujourd'hui les simples soldats non plus du front glorieux de la connaissance mais ceux de la déroute scolaire. La profession est également tiraillée de l'intérieur par certains grands syndicats qui ont fait cause commune avec les « réformes », même si ces dernières allaient dans le sens d'une dégradation des conditions de travail de leurs adhérents.
Qu'on ne lise pas ici une quelconque nostalgie d'un âge d'or éducatif qui n'a probablement jamais existé et encore moins de l'aigreur devant l'évolution du « système éducatif ». Le but de ce blog est de montrer la réalité du travail et de la condition des professeurs aujourd'hui et de faire pièce à des idées tenaces véhiculées par certains média dans le grand public sans qu'il y ai souvent la possibilité d'y répondre. Il est aussi de défendre une éducation de qualité dispensée par des professeurs hautement qualifiés dans leur discipline et rémunérés en conséquence. Il s'agit aussi de promouvoir le recrutement par des concours au contenu fortement disciplinaire, complétés par une formation en prise avec la réalité des classes et loin de tout verbiage psycho-pédagogiste. Parmi ces concours, l'agrégation en constitue la clé de voûte et les attaques récurrentes contre ce concours et ses lauréats ne sont pas sans rapport avec l'affaiblissement d'une éducation digne de ce nom à l'école. Cela devient une exigence à l'heure d'une offre mondiale d'éducation concurrentielle.
Très bonne lecture !