vendredi 25 avril 2014

Conseil de discipline

En plus de deux décennies de carrière, je n'ai jamais assisté à un conseil de discipline malgré mon passage dans tous les types d'établissements scolaires. Bien souvent, lorsqu'un tel conseil se réuni, on n'en a qu'un écho très limité et la décision rendue figure sur une feuille parmi d'autres sur les nombreux panneaux d'affichage. Chose inattendue que je ne croyais pas possible pour des raisons juridiques, l'émission de France Culture Les pieds surTerre diffusée à 13h30 ces deux derniers jours nous permet d'assister à deux d'entre eux. Je me suis demandé s'il ne s'agissait pas d'une émission de « radio réalité » avec des comédiens plus « vrais » que nature. Mais non, il s'agit bien de la (triste) réalité d'un collège de Roubaix ou un élève risque une exclusion définitive. Le conseil est livré tel quel aux auditeurs après une présentation plus que légèrement orientée en faveur de l'élève de la part de la réalisatrice de l'émission (le conseil est qualifié de « tribunal pour élève »). Il est vrai qu'on s'apitoierait presque à entendre le jeune potache à la lecture hésitante et penaude de son texte d'explication mêlé d'excuses de ses actes mais on est vite refroidi à l'audition des faits qui lui sont reprochés. On relève dans l'ordre  : crachats sur la chaise d'un professeur avec incitation de faire de même par les camarades de la classe, complicité de vol de téléphone, falsification de documents, miction sur le portail de l'établissement, bagarre sur le parking... La liste est chargée ! Et pourtant, la maman, qui l'air bien dépassée par les événements, assure qu'il fait sa prière régulièrement ! La piété filiale de l'élève va jusqu'à la falsification de la signature de sa mère pour des autorisations de sorties... On voudrait faire un effort d'indulgence, on n'y arriverait pas : la mère de l'élève affirme que ses enfants ne manquent absolument de rien et qu'elle les emmène en vacances quand ils le souhaitent. C'est peut-être là d'où vient le problème. A force de tout obtenir sans effort, on n'accorde plus aucun prix aux choses, ni à ceux qui les donnent. On ne peut pas non plus invoquer des difficultés scolaires, l'élève a montré qu'il pouvait avoir de bons résultats scolaires. La sanction d'exclusion n'est qu'une demi-surprise puisque l'élève était déjà en sursis d'exclusion. Que les âmes sensibles se rassurent, l'école étant bien bonne, l'élève n'est cependant pas exclu du système puisqu'il sera accueilli dans un autre collège où on espère qu'il repartira sur de nouvelles bases. La mère se désole de cette décision mais assure que son rejeton ira poursuivre sa scolarité en Algérie où à n'en pas douter, les moeurs scolaires sont sûrement plus douces !
Le plus sidérant est bien le commentaire laissé par des auditeurs sur le site de l'émission qui s'apitoient sur le « pauvre » élève victime de la « pauvre école française » aux « programmes stupides et inadaptés » et qui subit un « calvaire ». Quel calvaire en effet que d'uriner sur le portail de son collège... Je pensais que les auditeurs de France Culture étaient moins manichéens dans leurs opinions. S'ils pouvaient au moins une fois assister à un cours avec quelques énergumènes comme celui présenté dans le reportage, cela ébranlerait un peu leurs convictions. Mais s'ils ont des idées pour rendre les programmes moins « stupides et inadaptés », qu'ils n'hésitent pas à faire des suggestions à notre ministère ! En attendant leurs cogitations, il faut bien faire avec ce que l'on a en matière de discipline lorsqu'on doit accueillir tous les élèves d'une classe d'âge sans distinction de comportement et de capacités. Exclure un élève n'est pas une décision prise à la légère, d'autant qu'il faut lui trouver un établissement d'accueil s'il a moins de 16 ans. Et c'est bien souvent déplacer le problème mais lorsque ces élèves perturbent le travail d'une classe ou la tranquillité d'un établissement, c'est bien la seule mesure pouvant être prise.

PS : Il n'y a plus aucun commentaire sur la page de la deuxième partie de l'émission ! Les faits encore plus irrespectueux faits aux professeurs par cet autre élève ont laissé sans voix les auditeurs les plus indulgents...


dimanche 20 avril 2014

Agrégation : La persévérance au concours plutôt que la connivence de la liste d'aptitude.

Avec la confirmation du gel du point d'indice dans la fonction publique, il ne reste plus que les promotions d'échelons (pas encore gelées, mais pour combien de temps encore?) et les concours internes pour améliorer sa rémunération. Un de mes collègues, récemment admissible à l'agrégation interne, me faisait part de son stress à l'approche de l'oral compte tenu de son impréparation. Même s'il échoue à cet oral, je lui ai conseillé de persévérer dans ses tentatives. J'ai connu un collègue qui a fini par être reçu après 5 présentations au concours. Même si le travail régulier manque pour s'y préparer, la persévérance finit toujours par porter ses fruits. C'est en tout cas moins hasardeux que la discutable promotion par « liste d'aptitude », pour laquelle l'entregent avec les inspecteurs et le chef d'établissement sont à cultiver en priorité ! Les médisants diront que cette liste est réservée pour ceux qui n'ont pas les capacités de réussir un concours... Je n'irais pas jusque là, les collègues candidats à cette liste ont certainement des mérites à faire valoir mais l'agrégation mesure d'abord et doit continuer à mesurer l'aptitude à faire cours dans l'enseignement supérieur et la maîtrise des connaissances qui vont avec. Cet aspect essentiel n'est pas du tout évalué par la liste d'aptitude qui porte bien mal son nom ! Cette dernière ne réclame qu'un CV et une lettre de motivation. Mais les collègues qui s'y présentent ont pour seul objectif d'accéder à l'échelle de rémunération que confère le titre et le service d'enseignement abaissé de trois heures. Pour reconnaissance de leur mérite, ils auront droit à une titularisation immédiate dans leur nouveau grade alors que les collègues lauréats du concours interne seront « punis » en étant nommés stagiaires sur leur propre poste et attendre un an leur titularisation dans le nouveau corps ! On voudrait décourager les candidats aux concours qu'on ne s'y prendrait pas autrement... Mais les chiffres disent qu'il vaut mieux préparer le concours interne que faire mousser son CV sur le site iprof pour la liste d'aptitude. Pour la cession 2013, il y avait 825 postes à l'agrégation interne et 9645 présents à l'écrit mais seulement 350 postes pour la liste d'aptitude avec 14215 candidats. Rien n'empêche cependant les collègues de se présenter aux deux. Bon courage à tout ceux qui se préparent à l'oral et qu'ils n'hésitent pas à persévérer en cas d'échec.

PS : On pourra lire en complément l'article en lien ci-dessous sur le site du SAGES concernant l'accès au corps des agrégés.


mardi 15 avril 2014

Professeurs connectés

Il paraît que les média anglo-saxons se gaussent d'un accord conclu en France sur le droit à déconnexion à savoir, de ne plus répondre à ses courriels professionnels passés 18h. Certains d'entre eux ont même interprété ce texte, qu'ils n'avaient manifestement pas lu, comme une interdiction d'envoyer et de recevoir du courrier électronique. La réalité est très loin des faits puisqu'il ne s'agit que d'un accord de branche entre la fédération Syntec (métiers de l'ingéniérie, du numérique, des études et du conseil) et des syndicats de salariés du secteur (CFDT et CFE-CGC). De plus cet accord ne concerne que les cadres au forfait jour. On est donc loin d'une loi valable pour l'ensemble des salariés comme l'exagère la presse anglo-saxonne, prompte à railler une fantasmatique « oisiveté » française au travail, non sans jalousie de sa part !
Dans le secteur éducatif, si nous ne sommes pas encore harcelé au point de demander un droit à la déconnexion, force est de constater ces dernières années une extension des espaces numériques de travail. Saisie des notes et des appréciations, tenue du cahier de texte des classes, gestion des absences, les tâches autrefois dévolues au papier ont migré vers les terminaux numériques. Personnellement, je n'y trouve que des avantages, on ne passe plus de temps à rechercher les cahiers de texte et autres bulletins à remplir en dehors du temps scolaire. Les élèves consultaient fort peu le cahier de texte de leur classe et c'est sûrement encore la cas sous forme numérique mais il est accessible à leurs parents, qui peuvent ainsi suivre le travail fait en classe et vérifier celui demandé à la maison. Cela nous oblige bien sûr à le remplir très régulièrement et très souvent en dehors de l'établissement, en fin de journée et les fins de semaine. Que la presse étrangère (et française!) sache(nt) que les professeurs français ne se déconnectent pas après 18h et le sont souvent le samedi et le dimanche !


samedi 12 avril 2014

Pour quelques milliards de moins

Le nouveau gouvernement, reprenant les objectifs du précédent en la matière, doit économiser 50 milliards d'euros sur les dépenses publiques dans les années qui viennent. Parmi les pistes évoquées, on relève évidemment la poursuite du gel du point d'indice de la fonction publique, gel inauguré par la précédente majorité en 2010. La mesure serait valable jusqu'en 2016. On peut déjà prévoir qu'elle sera mise en sourdine en 2017, année électorale pour reprendre sans doute par la suite ! Dans le même temps, l'objectif du recrutement de 60 000 professeurs pour le reste de la mandature est maintenu. Il ne sera pas atteint au grand soulagement de ses promoteurs car les candidats ne se bousculent pas aux concours, même en cette période de « crise ». Qui voudrait en effet être payé 1,2 smic en début de carrière (en baisse constante depuis 30 ans) après 5 années d'études supérieures qui deviennent de plus en plus coûteuses et un concours encore sélectif dans certaines disciplines ? Sûrement pas des étudiants de valeur qui auront raison de rentabiliser leurs efforts dans un autre domaine ! La poursuite du gel du point d'indice accélère la paupérisation de la profession et constitue un très mauvais signal envoyé aux candidats.
Il y a pourtant des économies plus urgentes et plus rentables à faire dans le second degré. La suppression de l'accompagnement personnalisé en seconde permettrait d'en faire de substantielles ! Deux heures prévues dans l'enseignement de tous les élèves de seconde générale sans distinction de niveau, dont le rendement est quasi nul. Deux heures prises aux matières disciplinaires pour remédier aux lacunes engendrées par la baisse du volume de ces même heures consacrées aux disciplines ! Le cercle est particulièrement vicieux... Se retrouvent donc indistinctement dans ces heures d'accompagnement des élèves ayant des motivations très diverses, voire sans aucune motivation et qui attendent que ces heures passent. Qu'ils travaillent ou pas, le résultat sera le même puisque aucune évaluation ne sera faite. Le passage dans la classe de première de leur choix est quasiment assuré dès l'instant où ils entrent en seconde.
Ces dispositifs de remédiation se relaient depuis presque 20 ans dans l'enseignement secondaire au détriment des disciplines fondamentales dont les contenus ont été expurgés de toute exigence intellectuelle afin de gonfler les résultats du baccalauréat. Maintenant qu'ils sont au plus haut, je doute que le nombre de reçus s'effondre si on supprime ces dispositifs d'accompagnement ou de ne les réserver qu'aux élèves en réelle difficulté. Mais pour ces deniers, il faut d'abord se poser la question d'un mauvais choix d'orientation en filière générale... Le nouveau ministre aura-t-il le courage d'engager une réforme du lycée actuel hérité de l'ancienne majorité ? Il lui reste encore 3 ans pour agir ...


mercredi 2 avril 2014

Inspecteurs et inspections

La société des agrégés propose actuellement un questionnaire en ligne à propos de l'inspection des professeurs. Il est ouvert à tous et je ne saurais que conseiller d'y répondre pour faire part de son expérience personnelle et peut-être faire bouger les conditions de ces inspections pas toujours bien vécues, souvent à juste titre ! L'inspection a-t-elle vraiment changé ces dernières années ? Je n'en n'ai pas l'impression lorsque je me rappelle les 6 ou 7 visites d'inspecteurs (et inspectrices) que j'ai « accueillis » dans mes classes. Hormis une seule d'entre eux avec laquelle un véritable échange a eu lieu lors de l'entretien après ma prestation, les autres se contentent d'un discours stéréotypé sur les « bonnes pratiques » pédagogiques du moment pendant lequel il est impossible de placer le moindre mot pour défendre son travail. Une évaluation sérieuse du professeur demande au minimum la prise en compte de toutes ses activités dans ses classes, voir en dehors, tels la rédaction d'articles, d'ouvrages, de participation à des congrès et autres université d'été. Mais, non. L'écrasante majorité de la corporation se limite à ces quelques minutes de cours dont seule la forme est critiquée. Mais ne nous a-t-on pas appris dans feu les IUFM (Instituts universitaires de formation des maîtres, pour ceux qui ne s'en souviendraient plus et je leur donne raison!) que toutes les formes se valent pour enseigner une notion ou un concept ? Les inspecteurs pédagogiques régionaux encadrant la formation des professeurs stagiaires n'y trouvaient alors rien à redire. Voici que rien ne va plus en passant à la pratique dans les classes, ou alors, je suis sans doute un piètre pédagogue qui se fourvoie depuis plus de 20 ans dans ce métier !
Que faudrait-il alors changer dans l'inspection ? Une suggestion qui me paraît importante : l'évaluation par les pairs, comme pour nos collègues universitaires. Il n'y a pas d'inspecteurs dans les universités, pourquoi y en aurait-il dans le second degré ? Des collègues sont déjà chargés d'inspection dans mon académie mais en gardant un service partiel d'enseignement. Il faut généraliser ce système en l'ouvrant au plus grand nombre et pour une durée limitée dans le temps. Mieux vaut ne pas rester loin de ce qui se passe en classe trop longtemps au risque de ne tenir qu'un discours dépassé... L'avis d'un collègue lui même en exercice me serait plus précieux que la critique d'un inspecteur qui n'a plus la gestion d'élèves depuis 10 ans au moins... Notre nouveau ministre s'attaquera-t-il à ce chantier ? Il ne manquera pas de travail avec les réformes engagées par son prédécesseur...

PS : J'ai oublié de mentionner dans cet article que nos chers inspecteurs se ne bousculent pas pour « visiter » nos collègues agrégés et certifiés affectés dans l'enseignement supérieur ! Je n'ai hélas pas enseigné suffisamment longtemps en BTS pour y être inspecté mais lors de la venue de l'inspectrice, c'est bien dans une classe pré-bac que j'ai été « auditionné », alors qu'elle aurait pu venir dans ma classe de BTS. Quel choix curieux ! Des collègues enseignant eux aussi en BTS m'ont confirmé que c'était toujours le cas. La forme deviendrait-elle moins importante que le fond après le bac ? Vérité pédagogique en deçà du bac, inutilité au-delà... Quant à nos collègues en IUT ou à l'université, ils ne voient pas souvent l'ombre d'un inspecteur dans leurs amphis bien qu'ils aient la possibilité de solliciter leur visite, comme tout personnel de statut second degré quelle que soit son affectation. Mais comme leur notation ne dépend que de leur supérieur hiérarchique, j'imagine que l'avis de ce dernier doit leur suffire !