mercredi 8 novembre 2017

Six mois après

Quel bilan sommaire effectuer dans le domaine éducatif 6 mois et quelques après l'élection présidentielle ? Que les défenseurs d'une école qui instruise sont ravis du départ définitif de l'ancienne ministre et des premières mesures prises par son successeur : fin (ou presque) des EPI au collège, rétablissement des classes européennes, bi-langues et des langues anciennes, fin de l'interdiction du redoublement. C'est un mieux indéniable même si les réductions d'heures de cours de la réforme du collège n'ont pas été annulées. Rappelons pour mémoire que le nombre d'heures de mathématique en classe de troisième avait été amputé d'une demi-heure par rapport à l'ancienne grille. Une nouvelle preuve s'il en est encore besoin que ces réductions d'horaires n'ont d'autre but que de faire des économies ou de masquer la pénurie de professeurs dans certaines matières.
On ne peut que se réjouir également de la fin du tirage au sort pour l'entrée dans certaines filières universitaires. Nous en étions arrivés à la situation stupéfiante de voir des bacheliers aux notes médiocres souffler la place à d'autres munis de mention très bien ! La fin de cette injustice s'accompagne également de la refonte du logiciel d'affectation dans le supérieur suite à son naufrage au printemps dernier. Les quelques 60 000 lycéens sans affectation en juillet et les élèves actuellement en terminale ne descendront certainement pas dans la rue pour le défendre ! Le plan étudiants présenté par le ministère ne donne pas vraiment dans la sélection à l'entrée à l'Université. Il n'est question que d'attendus pour réussir dans chaque filière et « la prise en compte du profil de chaque lycéen ». Mais en cas de dépassement des capacités d'accueil ? Ces capacités seront-elles augmentées suffisamment comme l'indique le plan ? Il faut donner aux universités les moyens juridiques de sélectionner des bacheliers qui se présenteraient en surnombre dans les filières très demandées. Les notes obtenues au bac paraissent le critère le plus équitable. On souhaite bon courage aux collègues de terminale qui devront examiner en conseil de classe les projets post-bac de leur élèves. Voilà qui risque allonger sérieusement leur durée s'il faut examiner les 10 vœux que chaque élève pourra formuler ! La présence d'un deuxième professeur principal en terminale comme annoncé dans le plan ne devrait pas accélérer les choses. Au passage, on peut se poser la question de la rémunération de ces deux professeurs. Recevront-ils l'indemnité de professeur principal entière ou devront-ils la partager ?
Le bilan est hélas négatif côté financier pour la profession. Le gel du point d'indice pour l'année 2018 n'est pas une surprise, on ne s'attendait pas à la prolongation de son dégel très provisoire l'an dernier. La mesure avait un but clairement électoraliste de la part du précédent gouvernement. Il est à parier que ce gel se prolongera pendant toute la durée du quinquennat. Même le protocole PPRC a été revu à la baisse puisque les maigres mesures de revalorisation échelonnées jusqu'en 2020 sont provisoirement gelées. La hausse de la CSG aura elle bien lieu en janvier 2018 et sa compensation n'est certifiée que par une déclaration orale du ministre des (mé)comptes publics. Le rétablissement du jour de carence constitue une mesure vexatoire supplémentaire pour toute la fonction publique. Pas de quoi résoudre durablement les difficultés de recrutement dans notre profession !

lundi 15 mai 2017

Retournements de veste express

Serge Gainsbourg, à qui certains reprochaient d'avoir retourné sa veste, répondait qu'il l'avait retournée après s'être aperçu que la doublure était en vison. Il aura fallu à peine 24h après le résultat du 2ème tour pour que certains retournent déjà leur veste après avoir appelé à cor et à cri à voter pour E. Macron... Il suffit de jeter un œil à nos boîtes courriel académiques pour y trouver les messages de certains syndicats nous invitant à voter pour le candidat solidaire d'un gouvernement dont il fut membre et qui à imposé une soit disant « refondation » de l'école et la réforme du collège. Syndicats qui ne s'y sont pas opposés fermement ou les ont soutenus plus ou moins mollement. Mieux, l'un d'eux affiche son « soulagement » à l'élection de M. Macron dans un courriel reçu jeudi. Tout devrait donc baigner dans la félicité !
Mais voici que vendredi matin, une porte parole de ce syndicat déclare sur France Culture d'une part qu'il n'a pas appelé à ce vote (mensonge!) et d'autre part qu'il n'est plus d'accord avec les projets pour l'école affichés par le nouveau président ! Ces projets étaient pourtant connus avant l'élection. Il fallait y réfléchir avant de lancer cet appel vibrant au vote présenté comme le seul « républicain ». Spectaculaire et rapide retournement de veste. La doublure sera elle en vison pour que le nouveau ministre de l'éducation puisse les caresser dans le sens du poil ? Il ne s'agit là évidemment que d'une gesticulation qui vise à montrer leur existence face au nouveau pouvoir et quémander quelques bonnes places.
En attendant, il semble avoir échappé à ces syndicats le projet du nouveau président de confier aux chefs d'établissement le recrutement des professeurs. Mais confier la liberté de recruter, c'est aussi la liberté de remercier ! C'est ce qu'a rappelé un reportage du journal de 20h de France 2 mercredi dernier. La majorité des collègues qui ont voté pour Emmanuel M. sont-ils prêts à accepteur ce genre de « réforme » ? Dans l'affirmative, il leur faudra avoir l'échine souple et ménager leur direction mais aussi, les élèves et leurs parents. Qui osera donner de mauvaises notes après cela ?
Petit espoir pour finir : le nouveau président entend imiter le système des dépouilles américain qui consiste à remplacer les hauts fonctionnaires de l'administration à l'arrivé d'un nouveau chef de l'état. Je verrais avec joie la sortie rapide du ministère de l'éducation des apparatchiks qui s'y vautrent depuis trop longtemps. Et leurs réformes en projet avec.

samedi 6 mai 2017

Quelques heures pour faire un choix

Les électeurs se sont chargés il y a 15 jours de sortir les deux candidats anciens ministres de l'éducation dont j'avais dit dans le billet précédent tout le « bien » qu'ils avaient fait pour l'école et pire, le projet de continuer dans la même voie ou presque. Nous voici donc avec deux finalistes dont les programmes sont aux antipodes l'un de l'autre, du moins sur le plan économique dont c'est le seul hélas qui est mis en exergue ces derniers jours. L'éducation est passée à la trappe et je n'ai pas eu le courage d'aller plus loin que les 15 premières minutes du débat télévisé de mercredi dernier. Il nous reste les points de vue exprimés dans les réponses des candidats au formulaire de la société des agrégés dont j'ai donné le lien dans le billet précédent. Il y a un point commun dans les propositions des deux finalistes : la volonté de revaloriser l'enseignement professionnel en lycée et par la voie de l'alternance. E. Macron ne semble pas vouloir une orientation professionnelle au niveau du collège qu'il conserve tel quel, à l'exception d'un retour des classes bilangues ou européennes là où elles ont disparu et d'une restauration des horaires des langues anciennes. En revanche M. Le Pen souhaite la fin du collège unique et une orientation dès la 5ème avec une possibilité de retour dans l'enseignement général. Le lycée général et le bac ne sont pas évoqués par les deux candidats dans leurs lettres mais les média ont fait part de la volonté de E. Macron de réduire l'examen final à 4 épreuves écrites, les autres matières étant évaluées par contrôle continu. Sur ce dernier point, on peut déjà prévoir que les exigences ne seront pas les même d'un lycée à l'autre et il est fort à parier que des pressions locales s'exerceront sur les professeurs évaluateurs pour que le nombre de reçus à l'examen ne soit pas inférieur à ce qu'exige l'institution !
En ce qui concerne la gestion de carrière des professeurs et les conditions de travail, M. Le Pen souhaite réduire l'affectation des agrégés en collège pour les redéployer vers les lycées, les classes post-bac et l'Université à travers les postes « Prag ». Elle souhaite également mettre fin aux rendez-vous de carrière prévus dans la réforme dite PPCR pour revenir au système des inspections, ces dernières devant être plus régulières. Enfin elle propose un alignement progressif de nos rémunérations sur la moyenne européenne. Pour sa part, E. Macron ne veut pas d'une affectation de débutants dans l'éducation prioritaire et il propose une prime de 3000 euros aux courageux volontaires en plus des primes existantes. Et dire que notre actuel ministre est persuadée qu'on ne fait pas ce métier pour de l'argent ! Aucune autre revalorisation en revanche pour tous les autres à l'exception d'une « baisse de cotisation » comme pour les salariés du privé. S'agit-il de revenir sur l'alignement de la cotisation retraite sur celle du régime général pour laquelle nous constatons tous les ans la hausse continuelle et non négligeable ? On peut en douter car il a déclaré par ailleurs vouloir un régime unique pour tous. Cela augure mal pour le calcul des retraites de la fonction publique qui ne serait plus calculé sur les 6 derniers mois de carrière...
Au chapitre de la formation professionnelle, E. Macron souhaite un « développement de la recherche » dont il ne précise pas l'objet, mais on se doute qu'elle est de nature « pédagogique ». Espérons qu'elle ne signe pas le maintien de la férule pédagogiste à l'oeuvre depuis 40 ans... E. Macron nous promet 3 jours de formation continue, sans préciser la fréquence (annuelle, peut-on supposer) ainsi qu'une gestion des carrières « plus proches du terrain ». Cette proximité se plaçant dans le cadre d'une autonomie accrue des établissements dans laquelle il souhaite que les parents aient une implication plus grande. Enfin, il affirme que les suppressions de postes dans la fonction publique n'affecteront pas l'éducation nationale.
Il ne reste plus qu'à faire son choix ! Un dernier mot sur les appels de certains syndicats à voter pour E. Macron. Il est étonnant de voir les directions de ces syndicats prendre parti aussi ouvertement pour un candidat partisan de la mondialisation tandis que leurs militants de base luttent pour le maintien des emplois menacés par les délocalisations induits par cette même mondialisation ! Encore un gouffre entre le peuple et ses représentants...

vendredi 21 avril 2017

Le bon grain de l'ivraie

La campagne électorale touche à sa fin. La succession rapide des événements spectaculaires qui l'a marquée m'a pris de court pour trier le bon grain de l'ivraie sur le thème de l'éducation. A titre personnel, c'est uniquement sur ce sujet que je ferai mon choix car il me semble que le projet d'un candidat sur ce que doit être l'école en dit déjà long sur le reste de son programme. Ainsi, nous pouvons faire l'économie d'examiner les propositions des deux candidats des deux partis de gouvernement qui se sont succédé au pouvoir ces 3 dernières décennies car ils ont étés ministres de l'éducation tous les deux, même si l'un ne l'est resté que 4 mois. Ce fut suffisant pour se rendre compte que ce dernier assumait sans broncher la continuité de l'oeuvre de sape de ces prédécesseurs et qu'il persiste sur cette voie dans ses propositions. L'idée la plus saugrenue du projet de B. Hamon me paraît être ce revenu universel à verser en priorité aux jeunes de 18 à 25 ans au prétexte que les emplois en France seraient trop rares ! Ce n'est évidemment pas l'emploi qui est rare mais l'absence de formation pour occuper des postes qui ne manquent pas dans certaines professions. Plutôt que de donner de l'argent sans contrepartie à des jeunes dans la force de l'âge, le bon sens voudrait qu'on l'utilise pour financer des formations qualifiantes. Il y a cependant peu de chance de voir B. Hamon figurer au deuxième tour dimanche soir, vu les derniers sondages, même s'ils sont à prendre avec des pincettes.
Quant à F. Fillon (que certains ont renommé F. Fuyons!), plombé par une mise en examen mais toujours aussi droit dans ses bottes souillées, il fait preuve d'une incroyable méconnaissance du métier de professeur lorsqu'il propose sans rire une rémunération au mérite ! Comment un ancien ministre de l'éducation, resté à ce poste plusieurs années ignore-t-il que l'avancement dans notre carrière se fait depuis toujours au « mérite » par l'intermédiaire de 2 notes, l'une pédagogique, l'autre administrative. Nos chers inspecteurs et chefs d'établissement, qui attribuent ces deux notes, ont toute latitude pour « juger » du « mérite » de tel ou tel collègue et donc favoriser un avancement plus rapide. Cela fait singulièrement tache pour un candidat qui revendique haut et fort son « expérience » du pouvoir. Enfin, comment le prendre au sérieux lorsqu'il propose la suppression de 500 000 postes de fonctionnaires ? Sachant qu'il n'aura aucun pouvoir sur la fonction publique territoriale, il ne peut s'attaquer qu'aux fonctions publiques hospitalière et d'Etat. Or la première est déjà en tension et la deuxième a déjà fait l'objet de réductions drastiques lorsqu'il était premier ministre. Ce serait reconnaître de facto qu'il n'a pas fait complètement le travail !
Je n'ai hélas par le temps de détailler les propositions des autres candidats. Pour s'en faire une idée rapide sans avoir à chercher longuement sur le net, je propose au lecteur indécis sur son vote d'aller voir sur le site de la Société des agrégés qui a rassemblé leur réponse à un questionnaire. Le lecteur se rendra compte qu'une réponse se détache nettement des autres. D'abord par la qualité de sa rédaction puis par la lucidité du constat de l'état de l'école. Les propositions pour y remédier ne sont pas en reste et elles sont évidemment en rupture avec le pédagogisme à l'oeuvre depuis 40 ans en France. A vous de trier le bon grain de l'ivraie et rendez-vous entre les deux tours.