samedi 11 janvier 2014

Un métier, plusieurs statuts

Le projet du « corps unique » pour les professeurs de la maternelle à l'Université revient périodiquement dans la bouche et sous la plume des « réformateurs » de tous bords, y compris dans les rangs de certains syndicats. Le grand public peut chercher à comprendre pourquoi il y a tant de « corps » de professeurs dans notre pays. Il peut aussi s'interroger sur le fait que c'est toujours la suppression de l'agrégation et la disparition des agrégés qui apparaît au premier rang dans ce projet ! Pourtant, à l'origine, il n'y avait qu'un seul corps de professeurs en France, celui des agrégés précisément !
En 1763, les jésuites sont chassés de France par Louis XV. Or ils assuraient l'essentiel de l'enseignement secondaire en France. Il existait déjà depuis 1679 un concours d'agrégation national de l'Université pour la faculté de droit. Un concours d'agrégation de la faculté des arts est crée en 1766 pour faire face à l'exil des jésuites. Cela donnera tellement satisfaction que les agrégés resteront le corps unique de professeurs du second degré et des classes préparatoires jusque dans les années 1950 ! La revendication du corps unique n'est donc pas une avancée souhaitée par ses promoteurs mais une réalité... du passé ! A cette époque, l'explosion des effectifs dans les collèges et lycées impose la création du CAPES : certificat d'aptitude à l'enseignement secondaire, concours dont les lauréats forment le corps des certifiés. Ces professeurs sont devenus largement majoritaires dans l'enseignement secondaire depuis puisqu'ils représentent 74% du personnel enseignant en lycées. Les agrégés exerçant essentiellement dans les classes à examen des lycées, leur service a été fixé à 15h de cours hebdomadaire par les fameux décrets de 1950, alors que les autres professeurs devaient 18h de service. Quelle est la raison de cet écart de service, « dénoncé » plus ou moins ouvertement et périodiquement ces dernières années par les partisans du corps unique ? Le fait, déjà signalé, que les agrégés ont vocation à enseigner dans les classes d'examen et que le travail dans ces classes exige du travail personnel supplémentaire. Cette exigence se traduisant par une durée moindre de service. Il ne s'agit donc pas d'un avantage indu et exorbitant ! Or avec le temps, les certifiés se sont vus confier tous les niveaux d'enseignement, y compris depuis quelques années les classes préparatoires, confiées auparavant aux seuls agrégés. Cette indifférenciation des tâches a été prise comme prétexte par certains pour justifier un alignement du service des agrégés sur celui des certifiés. A travail égal, horaire égal pourrait-on logiquement conclure ! L'étape suivante étant le salaire égal dans l'esprit ce ces « réformateurs »... Mais c'est bien l'état qui a organisé lui-même cette indifférenciation des tâches confiées aux professeurs alors qu'il devrait employer au plus haut niveau possible les compétences des agents qu'il a recruté ! C'est exactement l'inverse qui s'est produit. Le niveau de l'enseignement secondaire actuel est bien en deçà de ce que peuvent enseigner les professeurs les plus qualifiés dans leur discipline. On appréciera cette gabegie de moyens à sa juste valeur en ces temps de crise !
Restaurer un enseignement de qualité dans le second degré représenterait un meilleur investissement pour l'avenir que de vouloir se débarrasser des agrégés et de l'agrégation. Mais voilà, il faudrait rompre avec plus de trente années de mauvaises habitudes, notamment celle de brader le baccalauréat dont la possession, quasi automatique pour tout lycéen entrant en seconde aujourd'hui, n'assure en aucun cas le succès dans l'enseignement supérieur.

Loin de défendre des « privilèges » ou de cultiver un esprit corporatiste, la plupart des agrégés souhaitent défendre et promouvoir un enseignement de qualité à l'heure où la mondialisation met en concurrence les systèmes éducatifs pour attirer les meilleurs étudiants. Amoindrir encore notre situation serait envoyer un très mauvais signal à des jeunes brillants qui souhaitent rejoindre la profession !  

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