lundi 27 octobre 2014

Questions orientées pour un socle commun

J'ai répondu récemment aux questions de la consultation nationale pour l'élaboration d'un nouveau socle commun disponible en ligne à cetteadresse. Il n'est pas besoin de lire entre les lignes pour deviner l'orientation que prendra le contenu final de ce fameux socle !
Le questionnaire comprend une partie importante sur l'évaluation. C'est très curieux car la définition d'un socle de connaissances (et de compétences!) peut se faire sans parler d'évaluation. Les concepteurs du questionnaire ont donc fait d'une pierre deux coups en glissant dans cette consultation la dernière marotte à la mode, à savoir la suppression des notes jugées « traumatisantes ». Voici deux questions qui vont dans ce sens :
« Je trouve que la note chiffrée ne donne pas assez d'indications sur ce qu'un élève sait et ne sait pas faire. »
« Les notes et les moyennes ne constituent pas une bonne base de dialogue avec les familles. »
Comme si l'évaluation d'une copie se limitait à la seule note figurant en en-tête. Une copie est toujours assortie de commentaires qui signalent à l'élève et sa famille les points à revoir.
« Je trouve que la note chiffrée est un moyen simple de situer un élève par rapport aux autres élèves de la classe. »
Cela fait belle lurette qu'il n'y a plus de classement entre élèves ! Les notes servent essentiellement à situer le travail de l'élève par rapport aux compétences et connaissances des programmes scolaires.
« L'évaluation doit permettre de trier les élèves afin de les orienter correctement. »
Le verbe « trier » est pour le moins tendancieux. C'est étonnant pour une consultation élaborée par un ministère qui promeut le « politiquement correct ». Les élèves ne sont pas de wagons dans une gare de triage et personnellement, je ne les ai jamais considérés comme tels. L'orientation est souvent décidée en dernier ressort par l'élève et sa famille après proposition des conseils de classe.
« L’évaluation doit susciter l’engagement et la confiance des élèves. »
Question étrange ! Nos élèves ne seraient pas « engagés » et « confiants » dans nos évaluations ? Ils ne les prennent peut être pas (ou plus) au sérieux... Les plus astucieux ou les plus paresseux ont compris que leur progression dans la scolarité jusqu'au bac est souvent indépendante de leurs résultats scolaires. On passe aisément en appel de la classe de troisième en seconde générale avec 8/20 de moyenne et de même de seconde en première. Et pour avoir cette moyenne, il n'est pas nécessaire de se fouler un neurone avec les très faibles exigences de programmes scolaires actuels, ou plutôt du « socle » actuel.
« L’évaluation doit reconnaître le droit à l’erreur, s’intéresser autant au processus d’apprentissage qu’à la performance. »
Le « droit à l'erreur » est déjà pris en compte par la multiplicité des évaluations qui permet le « rattrapage » d'une mauvaise note. En revanche, l'éducation nationale ne favorise pas vraiment le droit à l'erreur en matière d'orientation lorsqu'un élève souhaite quitter l'enseignement général pour l'enseignement professionnel. Le manque de places et la priorité accordée aux sortants de troisième ne favorise pas vraiment les réorientations. Le changement de voie est mal vu une fois entré dans une filière. On est prié de ne pas en sortir et d'aller jusqu'au bout ! Quant à la performance, l'école française est bien le dernier endroit au monde où il n'est plus question de performance ! Il est d'ailleurs très étonnant que l'école française participe encore aux évaluations internationales type PISA de l'OCDE ! Mais c'est bien connu, vu de France, c'est le monde entier qui est dans l'erreur.
« Il est possible d’évaluer la curiosité et les goûts d’un élève. »
Cela se fait très facilement ! Il suffit de regarder leur attitude pendant nos cours, pas besoin d'évaluation. Dès l'instant où l'on demande un peu d'investissement dans nos activités en classe, la motivation de beaucoup d'élèves font comme neige au Soleil...
Le plus révélateur du questionnaire se trouve dans la dernière question :
« L’évaluation doit reposer sur des échelles de niveaux de compétences comme celles qui existent par exemple dans le CECRL pour les langues vivantes (de A1 pour les utilisateurs élémentaires en niveau introductif jusqu’à C2 pour les utilisateurs expérimentés – maîtrise). »

Tout est dit ! Hormis l'acronyme abscons CERCL dont les collègues de langues étrangères doivent seuls connaître la signification, le but du questionnaire est donc bien de vanter les mérites de l'évaluation par compétences sous forme de grilles et de tableaux à remplir. Avec pour objectif de gonfler les notes, si toutefois le remplissage de ces usines à cases donnent lieu à l'attribution d'une note finale. Voilà qui nous promet un surcroît de travail pour faire figurer explicitement toutes les compétences évaluées dans nos devoirs sans que cela aide forcément les élèves à progresser dans leur travail, du moins ceux qui le souhaitent encore.

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